Article du 15 décembre 2025.
Auteure : Myriam Haryouli
Organisme de formation et Conseil RH à Toulouse : L'allié RH pour Agir plutôt subir
Article du 15 décembre 2025.
Auteure : Myriam Haryouli
La reconnaissance :
Comprendre et transformer un besoin en luxe
Voyage d’une quête extérieure vers une révélation intérieure...
La reconnaissance est un mot simple, presque banal, et pourtant chargé d’une immense complexité.
Nous savons ce qu’il désigne, sans toujours savoir ce qu’il touche.
Nous sommes nombreux à dire : « Je sais ce que je vaux. »
Et pourtant, nous pouvons souffrir profondément de ne pas être reconnus à notre juste valeur.
Dans notre travail.
Dans nos relations.
Dans nos engagements.
Cette tension est déroutante. Elle fatigue. Elle blesse aussi parfois.
Pourquoi ce besoin d’être vu, compris, confirmé, persiste-t-il même lorsque l’on est compétent, légitime, engagé ?
C’est à partir de cette question, à la fois intime et universelle, que commence ce voyage autour de la reconnaissance.
Et en explorant le sens profond du mot, un paradoxe apparaît :
💡 La reconnaissance que nous cherchons à l’extérieur ne peut réellement s’épanouir que si quelque chose, en nous, est déjà reconnu.
I. Le miroir de l’enfance : la racine d'une confusion fondatrice
Notre dépendance à la reconnaissance extérieure n’est ni une faiblesse ni un défaut moral.
Elle est profondément humaine.
Elle prend racine très tôt.
Dès l’enfance, le regard des autres, nos parents, nos enseignants et toute figure d’autorité, devient notre premier miroir.
Nous apprenons à nous situer dans le monde à travers leurs réactions.
« C’est bien. »
« Ce n’est pas bien. »
« Tu peux. »
« Tu ne peux pas. »
Peu à peu, une confusion s’installe.
Sans même nous en rendre compte, nous assimilons l’approbation à l’existence, et la reconnaissance à l’autorisation.
Nous ne cherchons plus seulement à être aimés ou encouragés.
Nous cherchons un droit d’être et d’agir.
Notre identité commence alors à se construire moins à partir de ce que nous ressentons, pensons ou désirons que de la manière dont nous sommes perçus.
C’est là que se crée l’un des pièges fondamentaux de la reconnaissance.
La valeur de ce que nous sommes se dissout progressivement dans la validation de ce que nous faisons.
Les nouveaux miroirs : quand la dépendance change de visage
Ce conditionnement ne disparaît pas avec l’âge.
Il se déplace. Il change de forme.
Dans le monde professionnel, la reconnaissance se matérialise à travers les titres, les statuts, des promotions, des salaires.
Sur les réseaux sociaux, elle devient visible, mesurable, quantifiable : likes, commentaires, audience.
Là où, enfant, nous attendions l’approbation familiale, nous cherchons aujourd’hui celle du collectif, du marché, du réseau.
Le décor a changé, mais le mécanisme reste le même : chercher à l’extérieur des preuves de légitimité pour apaiser un doute intérieur.
Et lorsque cette reconnaissance ne vient pas, ou pas assez, un sentiment de vide, d’invisibilité ou de rejet peut émerger, nourrissant une souffrance bien réelle.
II. L’ombre de la reconnaissance : comprendre le déni sans nier la blessure
Le manque de reconnaissance fait mal.
Il serait faux, et même injuste, de le nier.
Être ignoré, minimisé, dénigré ou constamment privé de feedback peut toucher profondément, quel que soit notre parcours.
Pas forcément parce que nous doutons de ce que nous valons, mais parce que quelque chose de profondément humain est touché :
Notre besoin d’être en lien, d’être entendu, de sentir que ce que nous apportons a une place.
Pourtant, pour ne pas laisser cette blessure se transformer en doute identitaire, il devient essentiel d’en comprendre la logique.
Voyons ce que le déni d’autrui nous dit réellement.
Une personne qui minimise nos réussites, critique systématiquement ou refuse de reconnaître ce que nous apportons ne dit pas nécessairement quelque chose de juste sur nous.
Très souvent, elle révèle surtout :
Une confrontation à ses propres limites ou insécurités,
Une difficulté à accueillir ce qui la dépasse ou la dérange,
Un mécanisme de protection face à un miroir inconfortable.
Le déni est alors une forme de reconnaissance… déformée certes, mais une reconnaissance quand même.
Ce que nous sommes est vu… mais ne peut être accueilli.
Comprendre cela ne fait pas disparaître la blessure.
Mais cela permet de ne plus la transformer en verdict sur soi.
Quand le déni devient systémique
Ce qui se joue dans les relations individuelles se rejoue aussi à l’échelle des organisations.
Dans le monde du travail, l’absence de reconnaissance prend souvent une forme plus diffuse :
manque de feedback, efforts invisibilisés, traitement inéquitable, absence de considération.
Ce déni organisationnel est l’une des causes majeures de désengagement, de perte de sens et de turnover.
Il attaque non seulement la motivation, mais aussi l’estime sociale et le sentiment d’utilité.
Reconnaître cela permet de sortir d’une culpabilité et d’une complicité silencieuse.
Ce malaise n’est pas qu’une fragilité individuelle, il est aussi structurel. Et il appelle à des leviers autant personnels que stratégiques.
III. Re-connaître : un acte intérieur de liberté
À ce stade, une question se pose : Comment sortir de cette dépendance sans nier notre besoin fondamental de lien ?
La solution ne consiste pas à rejeter toute reconnaissance extérieure, mais à inverser la démarche de notre rapport à elle.
Re-connaître, au sens littéral, signifie connaître à nouveau.
Retrouver une vérité de soi qui est déjà là, intacte, mais que le temps, les jugements ou les attentes ont parfois recouverte.
Ce chemin n’est ni linéaire ni définitif.
On peut s’y engager, s’en éloigner, y revenir.
C’est un mouvement vivant.
Dans mes accompagnements, ce travail passe souvent par trois étapes fondamentales :
Se connaître : identifier ses valeurs, ses élans, ses talents, ses émotions.
Se reconnaître : valider cette connaissance et s’autoriser à être pleinement soi.
S’estimer : se donner de la valeur sans condition extérieure.
C’est là que se joue un véritable acte de souveraineté intérieure.
Celle qui nous permet non seulement de nous prémunir du doute, mais aussi de tracer nos limites.
Celle qui donne la force et la lucidité nécessaires pour identifier l’inacceptable (malveillance, injustice ou harcèlement) et d'y répondre par des choix et des actions alignés.
Se reconnaître, c’est s’offrir la capacité d’agir pour respecter et faire respecter nos besoins, nos valeurs, et notre identité, et se défaire de l’emprise du regard d'autrui pour se sentir légitime.
De la validation à la résonance
Lorsque ce socle commence à se construire, quelque chose de subtil et profond change.
Le rapport à la reconnaissance extérieure ne disparaît pas, il se transforme.
On apprend à naviguer entre deux logiques :
La logique psycho-affective, que nous expérimentons tous au départ, où la reconnaissance est perçue comme une autorisation ;
La logique d’alignement autonome, où la valorisation extérieure rejoint notre reconnaissance de nous-mêmes, sans la définir.
Là où la reconnaissance venait combler un manque, elle devient un écho.
Les mots, les gestes, les regards résonnent alors avec une vérité que nous avons déjà reconnue.
👉 C’est le passage de la validation à la valorisation.
Modeste dans sa forme mais profonde dans son impact ,
elle est un luxe d'une valeur immense.
IV. La reconnaissance : de la paix intérieure au luxe relationnel
En réalité, la reconnaissance est une rencontre.
La rencontre entre la connaissance de soi et le regard de l’autre.
Elle ne nous crée pas. Elle nous révèle.
Lorsque la reconnaissance intérieure devient un socle, la reconnaissance extérieure cesse d’être un besoin vital.
Elle devient ce qu’Antoine de Saint-Exupéry appelait un luxe véritable : celui des relations humaines.
Même solides intérieurement, nous restons des êtres de lien.
La reconnaissance offerte avec justesse nourrit la confiance, la coopération, l’engagement.
Souvent modeste dans sa forme mais profonde dans son impact , elle a une valeur immense.
Boucler le cycle : offrir la reconnaissance
Le chemin se prolonge dans un geste simple et pourtant exigeant : donner à son tour.
Offrir de la reconnaissance n’est pas une politesse automatique.
C’est un acte de présence et de lucidité : voir l’autre, reconnaître sa valeur, son engagement, sa singularité.
En reconnaissant l’autre, nous renforçons le lien.
Nous nous alignons aussi avec ce que nous sommes.
La reconnaissance donnée boucle ainsi le cycle de l’authenticité et de l’enrichissement réciproque.
Et si nous cessions de courir après un permis d’exister… et commencions à reconnaître notre singularité ?
Et si nous cessions d’attendre la reconnaissance des autres… et commencions à la célébrer en nous, puis avec les autres ?